Opération Sultan, c’est ainsi que fut nommée l’énorme rafle de Marseille qui démarre le matin du 22 janvier et va durer jusqu’au petit matin du 23 dans les quartiers du Vieux-Port, de l’Opéra, la Canebière, Belsunce… Elle fut suivie de l’évacuation forcée des populations de Saint Jean, quartier du Vieux-Port, qui commença au petit matin du 24. Près de 20 000 personnes, femmes et hommes de tous âges, enfants et nourrissons, furent ainsi chassés de leur logement, ne pouvant emmener que quelques affaires personnelles. Un tri sera effectué, les juifs seront déportés en camp de concentration ainsi que les personnes suspectées d’activités illégales ou ceux dont les papiers d’identités étaient jugés douteux. Le quartier totalement vidé de ses habitants va ensuite être entièrement détruit (1500 immeubles dynamités du 1er au 15 février).
Cette opération ordonnée par Hitler lui-même, fut préparée et organisée conjointement par l’administration française en pleine entente avec les autorités nazies. Le général SS Carl Oberg, responsable de la police allemande, transmet à René Bousquet, secrétaire général de la police du régime de Vichy, les consignes d’Heinrich Himmler, chef national des SS missionné par Hitler.
À l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de ces événements, la mairie de Marseille, Benoit Payan en tête, a mis le paquet pour que les Marseillais·e·s soient le mieux informé·e·s possible sur ces journées dramatiques et cruciales rarement documentées sérieusement par les médias et les institutions locales et nationales. La cérémonie d’ouverture s’est tenue sur le côté du bâtiment de l’Hôtel de Ville, les estrades et le public disposés dans cet espace ouvert, là où se situaient des immeubles dynamités par les nazis.
Les témoignages des victimes et de leurs descendants étaient émouvants et bienvenus, les brochures distribuées expliquaient très bien comment les évènements se sont déroulés, les photos choisies montraient l’ampleur des destructions et la détresse des gens.
Le discours du maire bien travaillé avec des mots justes pour dénoncer les nazis et la police française s’est pourtant très mal terminé sur une phrase injuste et mal à propos. Alors même qu’il déclare légitime la résistance à l’occupation, que sont dénoncées les déportations ou les destructions d’immeubles comme crimes de guerre et crimes contre l’humanité, il va trouver opportun d’assimiler les actions de rébellion des palestiniens dans Jérusalem à de l’antisémitisme.
Il est pourtant clair que la résistance des palestiniens est une lutte nationale contre une occupation illégitime (Jérusalem-Est, où se sont passées les évènements, n’est pas israélienne comme le reconnaissent la majorité des états et l’ONU). L’état israélien est un état d’apartheid, cela est aussi décrit dans un rapport détaillé établi par l’organisation Amnesty International. La mairie de Marseille, avait refusé au dernier moment d’accorder une salle à cette ONG mais n’a pu empêcher que son rapport soit présenté et discuté à Marseille.
On ne pourra plus jamais faire confiance aux propos de Payan car ils se teintent régulièrement d’un soutien éhonté à la politique d’apartheid israélien.
Peut-on juger sincère un discours dénonçant occupation et destruction d’immeubles en 1943 à Marseille et fermer les yeux sur l’agression et le meurtre de palestiniens en 2023 à Jenine, territoire sous responsabilité exclusivement palestinienne ? Peut-on passer sous silence la confiscation de terres palestiniennes et les destructions des maisons comme mesures arbitraires ou punitives ? Peut-on ignorer que le ministre israélien de la sécurité nationale est un suprématiste juif, raciste qui verrait d’un bon œil le déplacement des populations palestiniennes ?
Dommage que cette cérémonie de souvenir soit ainsi finalement gâchée et instrumentalisée.