
Les « tirailleurs sénégalais » étaient des soldats, de l’infanterie coloniale recrutés de force, par la France à partir de 1857 en Afrique subsaharienne, d’abord sous l’impulsion du gouverneur Louis Faidherbe.
Même si leur nom évoque le Sénégal, ils venaient de toute l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique équatoriale française (Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Bénin, Niger,...).
Ces troupes ont été engagées sur de nombreuses opérations militaires par la France dans les campagnes de conquêtes coloniales ou contre les mouvements et guerres de libération (Algérie, Indochine, Madagascar, Maroc). Ils furent des centaines de milliers à participer aux deux guerres mondiales, au prix de lourds sacrifices et dans des conditions particulièrement difficiles. On estime que plus de 200 000 soldats originaires d’Afrique subsaharienne ont combattu durant la Première Guerre mondiale, et environ 150 000 pendant la Seconde.
Pourtant, malgré le rôle important lors de ces 2 guerres, la mémoire de ces combattants est longtemps restée marginalisée en France : peu de monuments, peu de commémorations, et souvent un oubli dans la mémoire collective*.

C’est pour combler en partie ce manque qu’une plaque a été inaugurée dans le parc du 26e centenaire à Marseille, ville jumelée avec Dakar, pensée comme un hommage durable aux milliers de soldats venus d’Afrique subsaharienne défendre la France et rappeler leur sacrifice lors des deux conflits mondiaux.
La cérémonie a réuni des représentants officiels et des membres de la communauté franco-sénégalaise, et le geste a été souligné comme important face à l’oubli dont ont souvent été victimes ces soldats dans la mémoire collective.
Olivia Fortin, maire de secteur et représentante du maire de Marseille, a souligné : « c’est une page trop souvent méconnue que nous commémorons ici. ». « Pour ces hommes qui combattirent loin de leur terre natale, peu de souvenirs, peu de monuments », a-t-elle ajouté, se réjouissant que Marseille, jumelée avec Dakar, ait désormais un lieu permanent du souvenir dans le parc du 26e centenaire. Du côté sénégalais, le grand chancelier Meissa Niang a déclaré que « l’Afrique a toujours été au rendez-vous des combats pour la liberté ». Le consul général du Sénégal à Marseille, Abdourahmane Koita, engagé de longue date pour créer un lieu de mémoire, a rappelé l’importance de ce geste.
Au-delà des discours officiels, les témoignages personnels ont souligné l’importance profonde de cette reconnaissance. Aida Diop, Franco-sénégalaise, a témoigné pour son oncle tirailleur, et cette reconnaissance est pour elle une manière de soigner une blessure mémorielle. "C’est très important pour moi, mon oncle a été tirailleur et l’histoire de ces hommes a été oubliée. Ça ne soigne pas toutes les blessures mais c’est un geste qui fait du bien". "La prochaine fois que je vais au Sénégal, je raconterai cela à mon oncle en allant sur sa tombe", ajoute-t-elle.
Il est cependant regrettable que personne n’ait souligné la choquante contradiction entre le fait d’inaugurer une telle plaque alors que subsiste dans le même arrondissement un boulevard Général Mangin, le théoricien de la « force noire » et de son importance dans les conquêtes coloniales, responsable au cours de l’offensive du Chemin des Dames en 1016-1917 de la mort de 7500 tirailleurs, qualifié alors par le député sénégalais Blaise Diagné de « broyeur et boucher de noirs »**
Cela aurait peut-être pu être l’occasion de rappeler le massacre, par l’armée coloniale française en décembre 1944 dans le Camp de Thiaroye*** de près de 200 tirailleurs, anciens prisonniers, qui réclamaient leur solde.
Ce n’est pas en glissant la poussière sous le tapis que l’on nettoie la maison !
Zohra Boukenouche et Alain Castan
- Le film Indigènes de Rachid Bouchareb sorti en 2008 évoque cette participation à la 2ème guerre mondiale.
- * Voir Boulevard du Général Mangin Guide du Marseille colonial pages 155-156 et sur le site https://guidedumarseillecolonial.fr/General-Mangin
- * * Quelques références sur le camp de Thiaroye : le film de Sembene Ousmane ; le livre Martin Mourre (préf. Elikia M’Bokolo, postface Bob W. White), Thiaroye 1944 : Histoire et mémoire d’un massacre colonial, Rennes, éd. PUR ; le Dossier : il y a 80 ans, le massacre de Thiaroye sur Histoire coloniale et post- coloniale https://histoirecoloniale.net/dossier-des-80-ans-du-massacre-des-tirailleurs/