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Palestine/Israël

Palestine

LES MONOLOGUES DE GAZA

AOUN IMAN

15 € - ESPACE INSTANT - 17 juin 2013 -

Extrait

1. Ahmed Al-Razi

Avant la guerre, j’avais le sentiment que Gaza était ma deuxième mère. Sa terre, c’était une poitrine chaude contre laquelle je pouvais me jeter. Son ciel, c’était mes rêves sans frontières et, dans l’eau de sa mer, je me lavais de mes soucis. Mais aujourd’hui j’ai le sentiment que Gaza est un exil, je ne sens plus qu’elle est le pays de mes rêves.

Savez-vous pourquoi ? Laissez-moi vous l’expliquer...

Pendant la guerre, le transfo d’électricité du quartier a été détruit par un missile. Tous mes oncles étaient chez nous à la maison quand l’électricité a été coupée, mais chez les voisins, qui sont branchés sur une autre ligne du réseau, ça continuait à fonctionner. J’ai été leur demander de brancher une rallonge sur leur ligne, pour qu’on puisse avoir le courant. Après qu’on a branché la rallonge et qu’on a pu rallumer les lumières à la maison, le voisin est venu, il voulait récupérer sa rallonge. On a commencé à se disputer comme des chiffonniers, lui et moi. Quand c’est la guerre, tout le monde se dit : chacun pour soi et Dieu pour tous !

Pendant la guerre, il y avait des gens qui avaient vingt sacs de farine, tandis que d’autres n’avaient pas une miette de pain à se mettre sous la dent. Il y a des gens qui étaient obligés de cuire le pain au bois, tandis que chez d’autres il y a eu du gaz jusqu’à la fin. Des gens qui n’avaient plus que du pain sec à manger et qui allaient demander à leurs voisins, mais ils ne leur donnaient rien. La plupart des gens ont enfermé leurs provisions derrière des gros verrous, et ils ont décidé de ne rien donner à personne. Mais il y a d’autres gens, des gens bien, eux ils aidaient les autres...

Bon, pour revenir à notre affaire, nous on a refusé de lui rendre sa rallonge, bien qu’elle lui appartienne, et là, pour la première fois, j’ai découvert à quel point on peut être méchant... D’ailleurs le châtiment n’a pas tardé à arriver : la maison à côté de la nôtre a été bombardée. Elle a été coupée en deux, et la moitié qui était de notre côté s’est effondrée sur nous. On a abandonné la rallonge et l’électricité, on a pris ce qu’on a pu et on est allés se réfugier chez mon oncle qui habite à côté du parc de la mairie.

La maison de mon oncle est à côté de la caserne. Le soir, les gens ont commencé à dire que la caserne allait être bombardée. Et si jamais elle était bombardée, il y avait de grandes chances que la maison de mon oncle parte en poussière elle aussi. On était là, on ne savait plus quoi faire ni où aller... Mon père essayait de nous rassurer. Il nous disait : «N’ayez pas peur, ne vous inquiétez pas, il ne va rien se passer.»

On est restés comme ça jusqu’à minuit. On entendait sans arrêt des bruits de missiles et d’explosions et mon père qui continuait à dire : «Ne vous inquiétez pas, n’ayez pas peur.» Et puis tout à coup, il a dit : «Tous derrière moi, on rentre à la maison.» Il s’est mis à trembler, et nous on s’est tous mis à trembler avec lui. Ma mère s’est mise à crier, et mon oncle était carrément mal.

Bref, on s’est tous sauvés en plein milieu de la nuit, la famille de mon oncle et nous. On est retournés à notre maison en courant à toutes jambes. Quand finalement on est arrivés, on n’en revenait pas. Je ne sais plus où on a dormi, ni même comment on est arrivés à dormir... L’essentiel, c’était qu’on n’était plus à côté de la caserne.

(...)
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