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MON PAYS N’EST PAS SUR

Simone FLUHR

12 € - SCRIBEST - 30 septembre 2011 -

"Le rôle d’une préface est toujours ambigu : elle peut aussi bien gêner et encombrer l’accès au livre que l’aménager, ouvrir son accueil. Du reste, rien n’est plus naturel que de la sauter. Ici surtout, quel besoin d’introduire à ce qui vient au devant de nous sans demander qu’on y trouve un intérêt ni qu’on y accorde une curiosité quelconque : ce qu’écrit Simone Fluhr est là, se passe là, sous nos yeux, à nos portes et dans nos rues. Qu’est-ce donc que cela ? Ce n’est pas seulement le malheur que subissent ceux dont les " pays ", les " peuples ", les provenances et les appartenances sont saccagés, mutilés, pourchassés. Ce malheur est par lui-même insupportable, lancinant, désespérant. On y porte à peine remède, et pourtant cela se fait, modestement, obscurément, avec une ténacité qui même lorsqu’elle est dérisoire ou impuissante se tient à la mesure des acharnements qui perpétuent toutes ces persécutions. Mais il s’agit encore d’un mal plus insondable. Tout se passe comme si le monde d’aujourd’hui, ce monde dont on dit qu’il se mondialise - ce qui ferait attendre toujours plus d’espace commun et de partage des signes - n’était plus capable d’autre chose que de ravager les espaces et les signes. Tantôt des identités et des frontières (des labels, des clôtures) sont imposées en vertu d’un contrôle et d’une domination. Tantôt sont au contraire détruites les possibilités de garder ou de trouver les repères et les motifs dont une existence a besoin pour simplement exister. Ce mal appelle autre chose que l’indignation, la compassion et l’assistance. Non pas que celles-ci soient dérisoires, bien au contraire : les récits de Simone Fluhr composent ce qu’on voudrait nommer une chanson de gestes de la solidarité persévérante si le climat épique et héroïque était de mise. Mais il ne l’est pas : la persévérance, la patience, l’assiduité parfois exposée à sa propre usure ajoutée à l’hostilité tracassière des appareils officiels ne composent pas des chants mais font entendre des voix. Ces voix accablées, irritées, découragées, insistantes, font la rumeur ininterrompue d’un monde privé de chant. Dans l’ordre des destinées errantes dont il s’agit ici, il n’y a plus de malheur qu’on puisse isoler et considérer comme un objet de commisération, ni dont on puisse circonscrire aisément les causes et par conséquent les réparations. Sans cesse est perceptible l’énormité ultra-complexe des machines qui opèrent - politiques, juridiques, policières, religieuses, économiques, idéologiques. Des jeux - si on peut employer ce mot - de forces empêchent aussi bien d’échapper au réseau de leur domination que de trouver une place et un sens dans ce réseau. Jadis il fut possible, à certains moments en tout cas, aussi bien de trouver " ses marques " comme on dit que de se démarquer des identifications et de glisser le long de marges mal déterminées. On pouvait être errant, nomade, passager, pèlerin, routard, sans être réfugié, migrant, expatrié. On a souvent dit depuis que Hannah Arendt avait engagé cette réflexion que la condition de réfugié, de migrant, d’apatride ou de sans-papiers connaît une prolifération cancéreuse au beau milieu des sociétés et des Etats qui se réclament du droit. Mais ce n’est pas pour autant le règne du hors-droit ou de l’exception multipliée : c’est aussi bien la croissance exponentielle des dispositifs juridiques nationaux, internationaux, infranationaux. C’est un droit qui ne cesse de courir vers une improbable maîtrise tout comme nos techniques courent vers l’improbable maîtrise des énergies de tous les types concevables. Dans ce vertige qui ne saisit rien de moins que la racine de notre civilisation dont la fin se dessine au loin sans qu’il nous soit possible de discerner d’autres commencements, il est infiniment précieux d’entendre une voix dont l’accent, la tonalité viennent de plus loin que la " civilisation " ou la " civilité " elles-mêmes. La voix, les gestes d’une présence tout à la fois discrète, confiante, tendue, inquiète et capable non seulement d’attention et de soutien mais - ce qui est bien plus - de gratitude pour les présences vouées à l’abandon." Jean-Luc Nancy

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