Librairie associative à Marseille
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25 € - TALLANDIER - 14 février 2008 -
Extrait de l'introduction générale:
Paris, 17 octobre 1961: le soir enveloppe peu à peu les badauds attroupés devant les cinémas, assis dans les cafés ou se promenant paisiblement sur les boulevards. Soudain, c'est la stupeur: marchant en rangs serrés, des dizaines de milliers d'Algériens jaillissent de l'obscurité, protestant contre la répression policière. Plusieurs raisons permettent de comprendre cet étonnement des Parisiens: depuis 1954, la France était engagée dans une violente guerre coloniale, qui s'était donné pour but d'écraser la lutte de l'Algérie pour l'indépendance; et voici que «l'ennemi» s'avançait en pleine rue, voici que les partisans et les militants du Front de libération nationale (FLN), comme par défi, défilaient en masse au coeur de la capitale. Or les quelque 180 000 Algériens vivant en région parisienne avaient passé ces années de guerre entassés dans des bidonvilles ou dans de sordides garnis, dans des enclaves ou des «ghettos» situés au coeur de banlieues industrielles totalement isolées des belles avenues du centre-ville; pour la plupart des Parisiens, ils n'avaient donc pas, jusqu'à ce jour, d'existence visible. En planifiant cette «invasion» de la capitale par trois importantes colonnes de manifestants, le FLN avait voulu briser cette ségrégation territoriale infligée aux immigrés; une ségrégation encore renforcée par la violence de la répression policière et, depuis le 5 octobre, par un couvre-feu discriminatoire, imposé aux seuls travailleurs algériens. Le FLN, en mobilisant la totalité de la communauté algérienne dans une manifestation pacifique rassemblant les femmes, les enfants et les anciens, entendait aussi montrer aux médias et à l'opinion internationale qu'il était le seul porte-parole du nationalisme algérien et qu'il bénéficiait d'un large soutien populaire. Ce faisant, il renforcerait la position de ses dirigeants, alors engagés dans un processus de négociation pour l'indépendance avec le gouvernement du général de Gaulle.
S'il est un sentiment qui domine ce soir-là chez les manifestants, tandis que les trois défilés convergent sous la pluie vers le centre de Paris, étroitement encadrés par des militants du FLN, c'est une sorte de fierté tranquille, voire même d'euphorie. Après des années d'isolement, d'humiliation et de répression policière extrême, les Algériens pouvaient enfin exprimer publiquement leur solidarité et leur identité. Et si la rencontre avec la police antiémeutes, lourdement armée, les remplit très certainement d'appréhension, ils étaient loin d'imaginer la brutalité avec laquelle les forces de l'ordre se livreraient à une vague d'attaques meurtrières qui devait rester, dans l'histoire moderne de l'Europe occidentale, comme la répression d'État la plus violente qu'eût jamais provoquée une manifestation de rue.
Cet ouvrage pose trois questions: comment une telle violence a-t-elle pu se produire dans une capitale européenne, à la fin d'une longue guerre coloniale, et alors que les parties en présence s'acheminaient vers la table des négociations? Pourquoi un événement aussi grave, survenu dans les rues mêmes de Paris, a-t-il été privé pendant plusieurs décennies de toute visibilité publique en France? Et comment expliquer que le souvenir du 17 octobre ait occupé une place si importante dans le débat public à partir des années 1980?
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